Un taxi pour l’Elysée

Commissaire atrabilaire dans Taxi, il commence ce mois-ci le tournage de People de Onteniente.

Retour sur carrière.

D’abord il revendique la comédie. Il est aussi difficile pour lui d’être drôle sans vulgarité que d’être touchant sans pathos. Parce que, pour lui, ça aussi, c’est de la vulgarité. On le rencontre Fontaine Stravinski, en plein cœur de Paris. L’homme trouve sa place naturellement dans l’univers créatif des sculptures – machines de Niki de Saint Phalle. Un univers de couleurs, d’image set de mythes qui lui conviennent assez bien. Car c’est un acteur qui a du relief. S’il dit garder peu de choses de sa formation au conservatoire de Lyon, dont il est sorti avec 3 accessits (comédie classique et moderne, tragédie), il y a néanmoins appris à « s’utiliser lui-même. » Solitaire oui, mais solitaire. « Réunir des égoïsmes pour faire une générosité. C’est ça la représentation théâtrale. » Il ne sait pas pourquoi il a voulu être comédien. Etre acteur pour ne pas vivre en dehors des choses mais être impliqué dans la réalité. Il est né dans un quartier de Lyon où l’on trouvait cinq cinémas dans un rayon de six cents mètres. Alors il a tout vu avec frénésie. Les réalisateurs importaient peu. « Il fallait que je vois trois films avec le même acteur pour me souvenir de son nom. Mon école c’est les films que j’ai vus. » Le souvenir de cette époque a un petit air d’Eddy Mitchell et de dernière séance. D’ailleurs son premier souvenir de cinéma est un western, l’Homme des vallées perdues, de Georges Stevens. « L’identification avec Jacky – Brandon De Wilde était tellement forte que je suis sorti du cinéma en criant entre les fauteuils mon admiration à Shane – Alan Ladd. Il incarnait pour moi le héros que je n’ai jamais rattrapé et que je poursuis encore », se souvient l’acteur. De Lyon où il a joué Brecht et Peter Wise, entre autres, il se retrouve à Paris. Il crée un spectacle en groupant deux pièces : Poivre de Cayenne de René de Obaldia et La Fleur à la bouche de Pirandello.

Une petite salle certes mais fréquentée par un spectateur célèbre : Dominique Besnehard. « C’est lui qui m’a ouvert les portes du cinéma. Il était le plus grand directeur de casting parce qu’il se déplaçait pour découvrir les acteurs. Il m’a dit : Un jour, je te ferai travailler.

Un an et demi après il m’a appelé et m’a demandé d’aller voir Jean Jacques Beineix. Je ne le connaissais pas et je n’avais pas vu Diva. Mais à l’issue d’une conversation qui a duré un quart d’heure j’ai fait La Lune dans le caniveau .C’est la qualité des grands. Ils savent ce qu’ils veulent. » Pour ce premier film, ses partenaires s’appellent Gérard Depardieu et Nastassja Kinski. Le film se tourne en Italie dans les studios de Cinecittà. « C’est comme si vous ameniez un débutant à Hollywood. » Il croise Fellini, Anthony Quinn, Ava Gardner, De Niro et Sergio Léone… Par la suite Blier, Deray, Blanc lui ont appris à faire ses gammes.

« Je n’ai jamais joué comme un second rôle. J’ai toujours pris en charge ma part de responsabilité dans le film pour donner ma couleur. » Bernard Farcy privilégie l’intuition plutôt que la réflexion, l’émotion plutôt que l’analyse. « La première nature du comédien c’est l’observation. Recevoir, sentir, redistribuer. Et puis après l’imagination vous suggère tel geste ou telle attitude. Lanvin (dans Saxo d’Ariel Zeitoun) et Delon (dans Notre histoire de Bertrand Blier) m’ont donné cette force car ils vous attirent dans un monde où ils vous font jouer au mieux de ce que vous pouvez faire. » Amorcée en 1995 avec Les Trois Frères la reconnaissance publique et professionnelle débouche sur le plébiscite de Taxi. Mais aujourd’hui, après plus de vingt ans de cinéma et de théâtre, Farcy souhaite faire de ce succès un tournant : « Gans m’a libéré de cette image du Pacte des loups. » Tout le monde fait ce métier dans la peur. Alors par principe il dit ne pas vouloir choisir entre la satisfaction du metteur en scène, l’amour du public et la récompense de la critique. Un sage, en somme. »