«On ne m’a pas collé un masque!»

Filmer De Gaulle, c’est assez nouveau non ?
Bernard Farcy : A ma connaissance, il n’y a pas eu de film sur De Gaulle lui-même, où on le voit en gros plan, penser, agir, réagir. Au cinéma ou à la télévision, on a utilisé sa silhouette, montré une manche à la portière et je craignais qu’on me propose uniquement ce rôle. Ce n’était pas du tout le cas ! L’enjeu n’était pas d’imiter le Général mais de l’incarner. Vaste programme !


Ce qui vous a obligé, malgré tout, à étudier le personnage, ses tics, ses intonations, son phrasé ?
B.F. : Forcément. Mais en privilégiant la ressemblance à l’imitation. La difficulté était de parvenir à cette illusion convaincante qui passait, au départ, par une ressemblance.


Que le maquillage a accentuée…
B.F. : Bien sûr. C’était trois heures de travail chaque matin pour poser les prothèses nasales et auriculaires, la perruque, les lentilles de contact et le faux ventre. On ne m’a pas collé un masque : on a tiré parti de mes traits pour s’approcher du visage de De Gaulle, la taille, le costume ou l’uniforme donnant l’aspect extérieur.


Et l’intériorité du Général ?
B.F. : J’ai beaucoup étudié de documents visuels, audio, lu beaucoup de livres. Ces informations ont accompli un travail souterrain, inconscient qui a resurgi le moment venu. Et quand on est imprégné et très concentré comme nous l’étions tous sur le tournage, le miracle se produit. Il ya une coloration gaullienne, jamais d’imitation.


Coloration jusque dans les détails : pourquoi portait-il son alliance à la main droite ?
B.F. :J’avais noté ce détail qui m’intriguait. Pierre Lefranc, membre fondateur de l’Institut Charles-De-Gaulle, m’a expliqué que ça datait d’une blessure de 14-18 à la main gauche qui lui donnait une certaine raideur à l’annulaire.


On fume beaucoup dans ce film !
B.F. : Parce qu’il était un énorme fumeur ! On aurait pu l’appeler la locomotive. Il s’est arrêté net, après la mort de De Lattre ou de Leclerc, en se disant qu’étant le dernier recours possible en cas de besoin, il lui fallait pour cela rester en bonne santé. Il s’est alors mis aux cachous.


De la chienlit sur le tournage ?
B.F. : Ce film a tiré tout le monde vers le haut. Il a fédéré les consciences de tous, impliqué chacun consciencieusement, ce qui a donné un climat d’attention soutenue. Nous avions chacun la certitude de tourner un téléfilm pas habituel du tout. Nous avions des moments de détente, mais toujours avec une certaine tenue, jamais de gaudrioles.


Comment avez-vous construit la complicité Charles-Yvonne avec Danièle Lebrun ?
B.F. : Avant de jouer M. et Mme De Gaulle, on jouait un mari et une épouse. Nos rapports de tous les jours étaient imbibés de ce respect, de cette attitude. Et quand nous avons joué, nous avons conservé cette proximité.


D’où l’exceptionnelle scène des violettes !
B.F. : S’il n’y avait pas eu cette complicité d’acteurs, la scène était morte. Danièle a une façon de regarder son mari, tellement elle est touchée, contente, surprise, que son visage traduit toute cette émotion. Et lui, il est là, gauche, avec un petit moment de retenue. Ah ! C’est aussi joliment écrit, ce qui aide à être habité par les personnages.


Quel moment retenez-vous plus particulièrement ?

La visite à Colombey. Pas seulement pour le lieu qui a quelque chose de l’ordre du sanctuaire. Et plus particulièrement la tombe du Général sur laquelle je me suis recueilli, essayant d’avoir uen conversation secrète avec lui. Et puis il y a tous les endroits où se dit « il a marché là » : on voudrait revivre les événements avec lui, à côté de lui

« Bien connu pour son rôle de commissaire benêt de la série des Taxi, Bernard Farcy excelle dans son incarnation du Général. Il sait aussi trouver les mots pour décrire les difficultés du rôle. Et sa grandeur, naturellement. »